Nul ne peut nier que Paris est une ville passionnante, où il se passe à chaque instant quelque chose : une exposition, une fête, un nouveau restaurant, un défilé de mode. Paris, à mes yeux la plus belle ville du monde (j’y ai vécu une décennie durant laquelle j’ai travaillé et étudié dans son domaine) est une ville cocooning. Elle a tout, surtout du chic et du confort et de la douceur de vivre, et il est confortable à vivre .
Les Français qui sont venus à Paris de différents endroits en France dans le cadre d’études universitaires ou de leur premier emploi sont restés dans la ville et sont devenus de vrais Parisiens. La belle ville est un endroit merveilleux où vivre. D’une part , elle est grande, d’autre part le métro qui relie ses extrémités en fait un petit village convivial.
Mais depuis le déclenchement de l’épidémie de corona, Paris a aussi découvert une face sombre : la panique, la tension, l’incertitude et surtout la hausse des prix, ont rendu les Parisiens méfiants. La surpopulation, le bruit, la pollution, le béton, le métro bondé et plus lent, les petits logements et les prix exorbitants, éloignent les gens de la ville. Le fait que la ville soit redevenue aussi sale qu’elle l’était dans les années 70 fait rêver de nombreux Parisiens à une vie plus paisible dans d’autres villes, ou villages. De nombreux Parisiens en ont assez de la ville et envisagent un avenir ailleurs.
Selon une étude d’« Amfrontis », 46 % des Parisiens souhaitent quitter la capitale. Les quartiers les plus chers de la ville sont aussi ceux dont les habitants veulent partir. Deux tiers des habitants des arrondissements 1, 3, 4, 6 et 8 envisagent de déménager. Pire, chaque année, Paris perd près de 10 000 habitants et non à cause du corona virus.
Entre 2011 et 2016, 60 000 de ses habitants sont partis, majoritairement vers la petite ou la grande couronne. Au cours des dix dernières années, Paris a perdu en moyenne 10 800 habitants chaque année, quand en 2020 avec l’épidémie, ce nombre est passé à 12 000. Selon l’INSEE, cette tendance devrait se poursuivre au moins jusqu’en 2025. Ces chiffres sont surprenants quand on sait que la tendance s’est inversée entre 2006 et 2011 – quand près de 14 000 personnes se sont installées dans la ville chaque année.
Parmi les expatriés parisiens, on retrouve trois grands profils types : les couples de trentenaires qui n’arrivent pas à concilier vie professionnelle et vie personnelle, et les jeunes couples qui décident d’agrandir la famille, mais aussi les personnes en fin de carrière, qui sont à la recherche d’une dernière reconversion professionnelle et envisagent une retraite anticipée.
Dans une telle situation, les couples doivent trouver un endroit où ils acceptent tous les deux de vivre et aussi trouver un emploi, généralement pour deux personnes, dans un endroit qu’ils aiment mais dont ils ne connaissent pas grand-chose. De ce besoin est né un nouveau site, « Paris, je te quitte » (paris-jetequitte.com) et il accompagne les Parisiens qui quittent la ville et rêvent d’une vie différente.
Le site permet aux habitants de Paris et d’Ile-de-France de concrétiser leur projet de quitter la ville et de leur faire découvrir des lieux de vie nouveaux et moins familiers, mais aussi de leur trouver des emplois moins traditionnels afin de contribuer au dynamisme de l’économie française.
Coût de la vie
Les raisons de quitter la ville sont variées, mais la première et la plus importante d’entre elles est le coût de la vie. Selon une étude de « The Economist », Paris se classe au premier rang des villes les plus chères, aux côtés de Hong Kong et de Singapour. Pour déterminer ce classement, l’unité de recherche du magazine britannique a scanné un grand nombre de critères et de prix différents et variés, notamment l’éducation, le commerce, la recherche et le développement.
Le coût de la vie est causé principalement par l’augmentation des prix de l’immobilier.Le marché immobilier à Paris est encombré et selon la demande, le prix augmente. Louer une chambre de 14 mètres carrés revient à louer un appartement de plus de 60 mètres carrés en dehors de Paris. A l’automne 2019, le prix du mètre en ville a franchi la barre des 10 000 euros, ce qui a poussé de nombreux Parisiens à quitter la ville pour devenir propriétaires de logements. Les appartements parisiens miniatures et la volonté d’augmenter sensiblement et significativement la surface habitable, tout en améliorant le cadre de vie, ont poussé les futurs parents et les parents actuels à quitter la ville.
Un autre facteur décisif est le manque d’espaces verts ou d’espaces extérieurs, surtout après les périodes de fermeture corona. D’une part, en matière de logement, si vivre à Paris est de plus en plus perçu comme un luxe, un appartement avec balcon devient bien plus cher. Les expatriés parisiens préfèrent vivre en banlieue dans un appartement avec balcon ou une maison avec jardin, et encore mieux vivre à la campagne au grand air. D’autres préféreront la proximité d’une grande forêt ou de parcs parisiens.
Un autre stress à Paris est le niveau sonore général de la ville. Impossible d’échapper aux coups de klaxon, aux travaux sur la route ou dans les rues, à la circulation et même aux terrasses de cafés, qui ont glissé encore plus loin sur les trottoirs suite à l’épidémie de Corona. Le chaos est devenu une partie de l’atmosphère. A cela s’ajoute la présence de touristes qui se déplacent partout dans la ville.
On peut comprendre les touristes, mais cette situation rend le Parisien moyen aussi stressé qu’un bouchon de champagne.
Ajoutez à cela la grisaille typiquement parisienne, qui s’installe progressivement avec l’arrivée de l’automne et repart début mai. Cette grisaille n’est pas seulement due aux intempéries, mais surtout à la pollution. Ce nuage menaçant de smog qui plane sur les toits est le reflet du statut de Paris comme ville la plus polluée de France. La surproduction de particules fines nuit à la santé des Parisiens et rend parfois l’air de la capitale irrespirable. La plupart des expatriés parisiens ressentent le besoin de se ressourcer et d’échapper à toutes les conditions néfastes.
Il est évident qu’un changement de mentalité touche de plus en plus les habitants de la capitale, d’où l’inversion des tendances. Quitter la capitale est avant tout le meilleur moyen de revaloriser le cadre de vie et notamment les logements, tout en ménageant la poche. Faible pouvoir d’achat, coûts excessifs, notamment sur le marché immobilier, les conditions de vie à Paris deviennent de plus en plus contraignantes pour certains.La prise de conscience existe aussi au niveau environnemental.La vie à Paris semble à certains Parisiens de moins en moins bonne pour le physique la santé, mais aussi pour la santé mentale.
En réalité, ce retour à un espace rural et verdoyant n’est pas nouveau. Cette migration de la ville a commencé dans les années 1970, et depuis lors, pas moins de 4,5 millions de Français ont quitté Paris à la recherche d’un cadre de vie meilleur, plus confortable et comprenant des espaces verts.
« Je reçois 60 demandes par jour pour des maisons rurales, le double avant le 17 mars, explique l’agent immobilier Patrice Bess. Ce sont des projets sérieux et réfléchis, avec une volonté de s’installer dans un lieu et d’y créer de l’activité. Dans les courriels que je reçois, le mot le plus courant est « environnement ». Les clients aspirent à de l’espace et à un endroit plus vert. »
Cherchez la femme
Selon ceux qui partent, l’une des principales raisons du déclin de la ville est la maire Anne Hidalgo. Dans le livre paru en janvier 2022 « La disparition de Paris », l’auteur Didier Raqueiner (fondateur de « La Tribune de l’Art ») met l’accent sur l’évaporation du patrimoine urbain de la ville.
Dans un livre de 240 pages, il écrit sur le nouveau mouvement qui a surgi contre Hidalgo, qui n’est pas sans rappeler le mouvement Me Too, qui a même reçu le hashtag #SACCAGEPARIS lancé sur Twitter en mars 2021 et compte déjà plus de deux millions éditions. Ce hashtag est considéré comme la nouvelle rébellion civile, une sorte de révolution parisienne dans une petite enfin avec les méthodes du nouveau millénaire.
Selon le livre, Paris traverse un terrible processus sur lequel la maire « dirige ». Il détruit le patrimoine, détériore l’espace public et laisse une ville sale. Reikner traite des bancs doubles, des lampadaires en fonte et des kiosques à journaux qui ont disparu de l’espace public. Des panneaux publicitaires sont placés devant les sites historiques. La perspective parfaite des rues symétriques a été brisée et des arbres ont été abattus contre la loi, détruisant l’écologie délicate et les espaces verts de la ville.
Si la municipalité annonce une augmentation de 40 % des espaces verts, Reichner juge que le chiffre est faux car la municipalité ne sait pas comment entretenir ses espaces verts. En vue on retrouve les pelouses du Champ de Mars qui se dégradent rapidement.
Le livre présente Paris comme pollué, avec 84% des Parisiens pensant qu’il est sale, plein de rats et d’habitants impolis. Pas étonnant, écrit l’auteur, qu’ils quittent Paris, une ville devenue difficile à vivre pour les vieux Parisiens.
« La chanson de Thomas Dutronc « Je n’aime plus Paris » est très appropriée pour décrire la situation », me dit mon amie Marize, qui a quitté Paris après des décennies dans la capitale française. « Il y a trop de saleté, de stress et d’irrespect des Parisiens les uns envers les autres. Ce n’est pas un hasard si tant de Parisiens ont quitté la ville, devenue difficile à vivre », ajoute-t-elle et raconte qu’en Normandie, où elle a déménagé il y a deux ans, des parisiens comme elle ont acheté toutes les belles maisons. « J’ai perdu le rythme de vie parisien, je ne sais plus où aller, je ne connais pas les nouveaux endroits de la ville. »
Mon amie continue de travailler joyeusement depuis sa maison du village. Si elle doit se rendre à Paris pour des rendez-vous, elle prend le train et fait un trajet d’une heure et demie jusqu’à la ville. « Cela aiguise mon affection pour Paris et me fait découvrir de nouveaux endroits dans la ville. »
Après tout cela a été dit et écrit, il convient de ne pas oublier que Paris était et reste l’une des villes les plus belles et les plus cocooning du monde, une place forte que beaucoup imaginent, une ville dont le nom s’appelle un syndrome et pas mal des hommes et des femmes (dont moi) rêvent encore de revenir y vivre.
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