Depuis le 7 octobre 2023, quelque chose a profondément changé dans le cœur du peuple juif.
Une fracture s’est ouverte — mais dans cette blessure, un feu s’est rallumé. Un feu d’identité, de responsabilité et de foi. Deux ans plus tard, ce phénomène a désormais un nom : les Juifs du 8 octobre.
Ceux qui, après avoir tout vu, tout perdu ou tout compris, ont décidé de ne plus vivre comme avant.
Quand la guerre révèle le sens
Yoav, 35 ans, réserviste israélien, est revenu du Liban après plusieurs campagnes successives à Gaza et en Judée-Samarie. Il ne parle pas d’argent, ni de fatigue, ni de politique. Il parle de sens.
« Je ne peux pas simplement retourner au bureau, poser ma carte de pointage et faire semblant que rien ne s’est passé », dit-il d’une voix calme.
Comme lui, des milliers de soldats revenus du front racontent le même sentiment : l’impossibilité de revenir à une vie “ordinaire”. Certains envisagent une reconversion vers l’enseignement ou le travail social, d’autres se lancent dans l’aide aux victimes, la médecine ou la diplomatie publique.
« Nous avons vu la mort, la haine, la fragilité de notre peuple. Maintenant, il faut construire », ajoute-t-il.
Cette quête intérieure, ce retour à l’essentiel, n’a rien de politique : elle est existentielle.
Les Israéliens qui ont tenu un fusil ou enterré un ami savent désormais que chaque geste, chaque mot, chaque décision compte. Et qu’après avoir défendu Israël sur le champ de bataille, il leur reste à le défendre dans les cœurs.
La fierté retrouvée des Juifs du monde
Ce sursaut identitaire dépasse largement les frontières d’Israël. À New York, Paris ou Los Angeles, des milliers de Juifs redécouvrent les symboles de leur peuple.
L’acteur juif-américain Michael Rapaport, suivi par près de deux millions de personnes, a publié une photo de lui mettant les téfilines.
« Je trouvais ça bizarre autrefois, raconte-t-il. Maintenant, quand je les mets, je me sens concentré, ancré, protégé — comme si je sortais de chez moi avec une armure. »
En deux jours, son message a récolté 33 000 likes, et plus encore : des centaines de jeunes Juifs ont décidé d’imiter son geste.
Ce retour à la pratique, souvent discret et intime, est aussi une réponse silencieuse à la haine.
Face à une vague d’antisémitisme sans précédent en Occident, beaucoup se rendent compte que se cacher ne les protégera pas.
Être juif est redevenu un acte de courage. Et pour certains, un acte de fierté.
Une langue nouvelle : l’unité
En Israël, ce mouvement a pris une dimension humaine et spirituelle à travers des figures comme Julie Kuperstein, la mère du jeune otage Bar Kuperstein.
Durant les deux années d’attente insupportable, elle n’a pas cédé à la colère, mais a cherché à relier les mondes : laïcs et religieux, Tel Aviv et Bnei Brak, espoir et foi.
« Ma négociation n’est pas seulement avec le Hamas », disait-elle. « Elle est avec le Maître du monde : comment allons-nous nous comporter, comment allons-nous rester unis, même dans la douleur ? »
Lors du retour de son fils, la scène à Bnei Brak a bouleversé le pays. Des milliers d’hommes en noir ont dansé avec des jeunes en tee-shirt autour du garçon libéré. La mère a remercié “chaque larme versée pour un autre”, et le vice-maire a conclu :
“Bar, tu n’as pas seulement retrouvé ta maison — tu as ramené tout Israël à la maison.”
C’est cette image — un peuple réuni, transcendant les étiquettes — qui incarne le mieux les Juifs du 8 octobre.
Non pas un mouvement organisé, mais une vibration commune. Celle d’un peuple qui se souvient qu’il n’existe que parce qu’il reste uni.
Une génération qui ne veut plus se perdre
La journaliste Sivan Rahav-Meir, auteure de la tribune originelle dans Yediot Aharonot, y voit un tournant historique :
« Des millions de Juifs, en Israël comme dans la Diaspora, recalculent leur trajectoire. Ils comprennent que la survie du peuple juif n’est pas un acquis — c’est une mission. »
Ceux qu’elle appelle les Juifs du 8 octobre ne cherchent ni vengeance ni reconnaissance : ils cherchent du sens, une raison d’exister en tant que nation et en tant que foi.
Et si cette quête était la plus grande victoire sur la barbarie ?
Le 7 octobre a voulu détruire le peuple d’Israël. Le 8 octobre, ce peuple s’est relevé, plus lucide, plus uni, plus fier d’être ce qu’il est.
Les ennemis d’Israël ont voulu l’effacer — ils ont, malgré eux, réveillé son âme.






