L’annonce était attendue, mais elle devient désormais concrète : en 2026, Chypre rejoindra l’espace Schengen, intégrant ainsi la zone européenne de libre circulation. Pour des milliers d’Israéliens qui visitent l’île chaque année, y travaillent ou y investissent, ce changement marque un tournant décisif. Il ouvre la voie à une intégration européenne renforcée, mais impose aussi de nouvelles limites aux séjours touristiques et professionnels. Dans un contexte où les liens entre Israël et l’Europe sont fortement imbriqués — économie, tourisme, mobilité —, la décision chypriote pourrait redessiner l’équilibre régional.

Selon l’article original publié par mako (source : https://www.mako.co.il), l’entrée dans Schengen modifiera d’abord le cadre juridique applicable aux ressortissants israéliens. Jusqu’à présent, un séjour à Chypre était comptabilisé séparément du quota de 90 jours autorisés dans l’espace Schengen sur une période de 180 jours. Une fois l’intégration effective, ce ne sera plus le cas : les jours passés à Larnaca, Paphos ou Limassol seront désormais déduits du quota Schengen, comme un séjour en France, en Espagne ou en Allemagne. Pour des hommes d’affaires israéliens qui font des allers-retours fréquents, ou pour des travailleurs du secteur high-tech établis entre les deux pays, cela représente un changement opérationnel majeur. « Pour les touristes, cela ne se sentira presque pas. Pour les hommes d’affaires, c’est une contrainte qui peut modifier des agendas », résume Daniel Shmaylin, représentant israélien de Henley & Partners, cité dans le reportage.

Sur le plan géopolitique, l’intégration de Chypre au cœur du dispositif européen ne surprend pas les observateurs. L’île, placée depuis des années sur la trajectoire de convergence institutionnelle avec l’Union européenne, cherche à renforcer son rôle économique au sein du continent. L’entrée dans Schengen entérine cette ambition. Elle réduira les contrôles aux frontières avec les États membres et facilitera la circulation des Européens vers Chypre — ce qui risque de transformer la dynamique touristique et immobilière du pays. Eurostat, cité dans l’article, confirme que dans chaque État ayant rejoint Schengen ou adopté l’euro durant la dernière décennie, les prix du logement ont augmenté significativement au cours des années suivantes.

Pour les investisseurs israéliens, cette perspective n’est pas anodine. L’île est devenue ces dix dernières années un pôle d’accueil privilégié pour les entrepreneurs, les start-ups et les familles cherchant un environnement fiscal attractif à proximité d’Israël. Selon Shamrit Nisan-Klamberg, fondatrice de la société EVO.Realestate, « si l’intégration se réalise, les prix de l’immobilier vont progressivement s’aligner sur ceux de l’Europe de l’Ouest. Les années 2025-2027 constituent une fenêtre où le marché chypriote reste encore celui d’un pays extérieur à Schengen ». Les zones littorales — Paphos, Larnaca, Protaras — connaissent déjà une accélération des projets urbains, notamment des marinas, promenades côtières, infrastructures routières. La transition vers Schengen pourrait jouer comme un multiplicateur d’investissements.

La tendance est claire : Chypre attire de plus en plus d’Israéliens, que ce soit pour des résidences secondaires, pour des placements immobiliers ou pour des activités économiques. L’accès simplifié à l’Europe renforce encore cet attrait. Mais l’autre côté de la médaille est moins favorable. Avec le passage à Schengen, un Israélien qui passe, par exemple, 60 jours à Chypre et souhaite ensuite visiter l’Italie pour 40 jours, ne pourra plus le faire : il aura atteint sa limite de 90 jours dans l’espace Schengen. C’est une contrainte nouvelle qui obligera à une planification beaucoup plus rigoureuse des séjours, notamment pour les freelances, les consultants et les familles réalisant des séjours prolongés.

Pour autant, le statut de Chypre comme plateforme régionale reste une opportunité importante pour Israël. Le rapprochement économique et logistique entre les deux pays pourrait se renforcer — notamment dans les domaines stratégiques comme l’énergie (gaz offshore), les télécommunications, les fintechs ou la cybersécurité. Grâce à Schengen, Chypre devient un point d’entrée naturel pour les sociétés israéliennes désirant développer des opérations en Europe sans passer par des capitales plus éloignées et souvent plus coûteuses. « L’intégration n’est pas seulement une question technique, c’est un saut dans le cercle de confiance le plus élevé de l’Union européenne », rappelle Shmaylin.

L’impact immobilier, en revanche, pourrait créer un double effet : bonne nouvelle pour les investisseurs israéliens déjà propriétaires ; risque de hausse de prix pour ceux qui envisagent d’entrer sur le marché. Les loyers dans les zones attractives pourraient grimper, suivant la logique observée en Croatie après 2023. Les flux migratoires internes en Europe pourraient également modifier la sociologie chypriote, avec l’arrivée de travailleurs européens attirés par un marché encore sous-évalué.

Enfin, pour les familles israéliennes voyageant régulièrement à Chypre — souvent la destination la plus proche et la plus accessible — l’expérience sera quasiment identique : même durée de vol, mêmes infrastructures, mêmes services touristiques. La seule différence sera administrative, invisible pour le touriste classique, mais déterminante pour ceux qui multiplient les séjours continentaux.

Dans un contexte où le Moyen-Orient reste instable et où Israël doit constamment ajuster ses équilibres diplomatiques, la consolidation européenne de Chypre apparaît comme une évolution globale plutôt favorable. Plus d’intégration européenne, c’est aussi plus de stabilité pour une île qui joue depuis longtemps un rôle discret mais stratégique dans le voisinage israélien.