Comment puis-je expliquer à mes parents mon désir de porter un pantalon et pas seulement des jupes ?
Question :
Bonjour Rabbanite,
Toute ma vie, mes parents m’ont éduquée et exigé que je m’habille avec pudeur (jupe longue et chemise pas trop courte).
Aujourd’hui, j’ai 19 ans et je ressens le désir de porter un pantalon. Mes parents, qui sont très conservateurs, voudront connaître la raison.
J’aimerais que vous m’aidiez à expliquer cette position. Ce désir vient aussi du fait que je m’engage dans l’armée, et il est clair pour moi que je porterai des jupes pendant mon service, car je veux que l’on voie que je suis religieuse, mais je veux aussi pouvoir porter un pantalon sans ressentir que je fais quelque chose de mal.
Réponse :
Bonjour à toi,
La question que tu poses préoccupe de nombreuses femmes de ton âge, et aussi plus âgées que toi.
Je vais d’abord répondre brièvement, et ensuite tu trouveras le détail de ma réponse.
Il n’est pas interdit de porter un pantalon, à condition que ce pantalon respecte les critères de pudeur, c’est-à-dire : qu’il ne soit ni moulant, ni court.
Dans la Torah, il existe un interdit : « Un homme ne portera pas un vêtement de femme, et une femme ne portera pas un accessoire d’homme… ». Le pantalon, en soi, était considéré autrefois, dans la plupart des cultures, comme un « vêtement masculin », et donc son port soulevait un doute de transgression de cet interdit. Mais lorsque le pantalon est conçu pour les femmes, cet interdit ne s’applique pas.
Cela étant dit, le lien entre un vêtement et son appartenance au genre masculin ou féminin dépend de la culture et de la société. Il est donc possible que, dans la société où tu vis, le pantalon soit encore considéré exclusivement comme un vêtement masculin. Dans un tel contexte, une femme portant un pantalon pourrait être perçue comme transgressant délibérément cet interdit.
Comme tu l’as écrit toi-même, le fait que tu choisisses de porter une jupe dans l’armée exprime ton identité religieuse aux yeux de la société.
Par conséquent, il me semble que l’explication que tu peux donner à tes parents est la suivante : tu ne modifies pas ta position concernant la pudeur de ta tenue, et le fait de porter un pantalon s’inscrit dans cette même démarche. Bien au contraire, tu continueras à faire attention à paraître en public en tant que femme religieuse.
Et en détail :
Il est écrit dans la Torah :
« Un homme ne portera pas un vêtement de femme, et une femme ne portera pas un vêtement d’homme… » (Deutéronome 22:5).
Le midrash halakha (Sifri) et le Talmud (Nazir 59a) expliquent que ces interdits ont pour but de prévenir la promiscuité, l’immoralité et l’adultère :
« Un homme ne portera pas un vêtement de femme… afin de ne pas s’asseoir parmi les femmes, et une femme ne portera pas un vêtement d’homme pour ne pas s’asseoir parmi les hommes. »
Ce qui montre que cet interdit est lié à la pudeur, qui peut être affectée lorsque les frontières entre hommes et femmes sont brouillées, entraînant confusion et immoralité.
L’interdit dépend donc de ce qui est considéré comme vêtement “masculin” ou “féminin”, et comme on le sait, ces notions évoluent selon le temps et le lieu. Par exemple : la teinture des cheveux blancs ou les soins cosmétiques pour hommes étaient autrefois considérés comme interdits car perçus comme “vêtements féminins”. Aujourd’hui, certains continuent de les interdire, mais beaucoup les autorisent.
De même, il faut examiner si l’interdit concernant un vêtement autrefois considéré comme « masculin » reste valable aujourd’hui, alors que ce vêtement est aujourd’hui largement porté par les femmes.
Voici ce qu’écrit le Rav Ovadia Yossef, dans une longue réponse à la question d’un directeur d’école qui demandait s’il valait mieux autoriser le port du pantalon pour les élèves afin d’éviter les jupes non pudiques. Il se demande si le pantalon est interdit en tant que « vêtement d’homme », et écrit dans sa réponse (Yabia Omer, vol. 6 – Yoré Déa, chap. 14) :
« Celles qui portent des pantalons pour se protéger du froid ou du soleil, sans chercher à imiter les hommes, ont des avis halakhiques solides sur lesquels s’appuyer.
De nombreux décisionnaires, comme le Bah, le Taz et le Shakh, les autorisent.
Même si ce n’est pas dans un but de protection, il n’y a pas d’interdit de “vêtement masculin” dès lors que le pantalon est clairement différent de celui des hommes. Il est conçu différemment, cousu différemment…
Et aujourd’hui, dans de nombreux lieux, il est courant pour les femmes de porter un pantalon, donc cela n’entre pas dans l’interdit de “vêtement masculin”. »
Certains décisionnaires considèrent encore le pantalon comme un vêtement d’homme. En effet, il existe un désaccord parmi les poskim (décisionnaires) sur ce sujet, chacun avançant ses arguments, comme c’est l’usage dans la halakha, et il n’est donc pas possible de trancher de façon absolue.
La pudeur est un autre aspect à prendre en compte : le pantalon est-il pudique pour une femme ? Il est juste de dire que presque tout vêtement peut être pudique ou non pudique, et il est difficile d’établir des critères absolus.
Les différentes sociétés ont défini leur propre notion de “pudeur”, aussi bien pour les femmes que pour les hommes — mais ces définitions ne sont pas universelles, même parmi les sociétés respectueuses de la halakha. (Exemples : manteau noir long pour les hommes / perruque ou foulard pour les femmes.)
Sur la question de la pudeur, le Rav Ovadia Yossef conclut ainsi :
Conclusion de la halakha :
Il est strictement interdit aux filles d’Israël de porter des jupes ou robes courtes (dites “mini”), car cet interdit est également un commandement négatif de la Torah, selon le verset “Vous ne suivrez pas les lois des nations”.
Il ne faut pas autoriser a priori le port du pantalon, car ce sont des vêtements de vanité et de provocation.
Pour les filles qui portent des jupes courtes au-dessus du genou, il faut tenter de les influencer avec douceur pour qu’elles portent des jupes ou robes pudiques qui couvrent les genoux, même assises.
Si cela n’est pas possible, il vaut mieux qu’elles portent un pantalon plutôt qu’une jupe ou une robe courte, en attendant qu’on puisse les convaincre de s’habiller selon la pudeur attendue des filles d’Israël.
(Fin de citation – Rav Ovadia Yossef)
Comme tu l’as compris — la halakha ne tranche pas de manière catégorique, sauf sur un point : la pudeur est essentielle. Et tu sembles être dans cette démarche.
Il n’y a rien de mal à porter un pantalon, comme tu le redoutais, et il me semble juste de citer ici les propos du Rav Yitzhak Arama הי »ד (qu’il soit béni, il a été tué dans un attentat à Gush Katif) :
Rav Yitzhak Arama הי »ד – sur les pantalons pour femmes (Téhoumin 23)
« Lorsque les pantalons sont portés uniquement par des femmes, qu’ils sont amples et non moulants, ils peuvent même être plus pudiques que certaines jupes ou robes.
Leur port peut aussi avoir pour but de protéger le corps du froid. Dans ce cas, il est permis aux femmes de les porter.
Certains les interdisent (pantalons “sarouel”) par peur que cela mène à porter des pantalons moulants.
Mais en face de cela, il y a l’honneur de la Torah, sa force, son actualité, sa capacité à accompagner la vie.
Des craintes excessives nuisent au respect de la Torah et de ses sages.
Comme D.ieu l’a dit à Moché : “Écris ! Et que celui qui veut se tromper, se trompe.”
Dire la vérité clairement vaut mieux que de se taire par peur, et cette attitude reflète aussi le commandement : “Ne craignez aucun homme.” »
Je veux aussi te dire que ta crainte de la réaction de tes parents est compréhensible.
Le respect que tu leur portes, et qui te pousse à te renseigner sérieusement sur le sujet pour leur expliquer ton choix, est admirable.
Aujourd’hui, tu es une jeune femme adulte. Tu passes d’un monde religieux structuré par tes parents, à un monde religieux que tu choisis toi-même.
Chaque personne doit servir D.ieu par choix et par responsabilité, et c’est exactement ce que tu fais à présent.
Sois bénie, et bon courage dans ton service militaire.
Ra’hel
Réponse de : Rabbanite Ra’hel Keren : Responsable du Beit Midrash – Midreshet Ein Hanatziv. Expert certifié en Halakha « Yoreh Yoreh ». Diplômes universitaires (licence et certification) en histoire du peuple juif, philosophie juive et genre. Diplômé de la Mendel School of Educational Leadership. Ancienne présidente du « Kollech ». Actif sur de nombreux forums sociaux.






