À l’approche du grand final de « Master Chef », une édition inédite entièrement féminine, les propos d’Adi Marom — créatrice culinaire et influenceuse suivie par des milliers d’abonnés — ont créé la surprise. Invitée dans le dernier épisode de « Les Maîtrises » aux côtés de Sivan Brik Chen, elle a reconnu publiquement qu’elle imaginait encore, instinctivement, que le titre de Master Chef revenait plus naturellement à un homme. Un aveu désarmant de franchise, qui tranche avec l’enthousiasme ambiant autour de cette finale historique mettant en compétition trois candidates.
« J’ai l’impression que les hommes sont meilleurs en cuisine », confie Adi Marom dans l’émission diffusée sur V1, alors même que la saison a prouvé l’ascension de talents féminins particulièrement remarquables. À ses yeux, faire “de la bonne cuisine” ne suffit pas : « Il faut savoir gérer tout l’événement », affirme-t-elle, évoquant l’intensité, le rythme, la maîtrise du stress et la pression d’un concours gastronomique. Une réflexion qui traduit, selon certains observateurs, la persistance de préjugés profondément ancrés, même au sein de professionnelles accomplies.
Sa partenaire de discussion, Sivan Brik Chen, a offert une perspective différente. Ancienne candidate de la dixième saison, elle a tenu à souligner que l’inégalité ne vient pas forcément du talent culinaire, mais du rythme de travail : « Il y a plus d’hommes qui sont des chefs reconnus que de femmes. C’est un métier très exigeant, il faut être 24 heures sur 24 dans le restaurant, et au final ce sont les femmes qui doivent gérer la famille et les enfants. » Ses mots résonnent fortement dans une industrie où la charge mentale et la disponibilité permanente restent des obstacles majeurs pour de nombreuses femmes aspirant à devenir cheffes.
L’émission, tournée à la veille du final diffusé sur Keshet 12, a mêlé complicité et lucidité. Les deux créatrices de contenu, chacune très influente dans l’univers culinaire israélien, ont évoqué avec sincérité leurs parcours, leurs frustrations et leurs admiration respectives pour les figures féminines qui ont brisé les codes. Adi Marom cite notamment Ruti Brodo : « Elle est incroyable. Je pense qu’elle est folle — dans le bon sens. » Une manière de rappeler que des modèles existent, et que les femmes qui parviennent au sommet de la gastronomie doivent souvent redoubler d’efforts pour y rester.
La scène culinaire israélienne a elle-même beaucoup évolué. Les concours télévisés, les tables innovantes, l’essor des créatrices culinaires sur les réseaux sociaux ont permis à de nouvelles voix féminines d’émerger. Pourtant, la perception populaire — et même professionnelle — peine parfois à se détacher des figures masculines longtemps dominantes. Les propos d’Adi Marom, loin d’être une attaque, reflètent plutôt ce décalage subtil entre la réalité actuelle et les représentations profondément ancrées.
Cette finale 100 % féminine représente un tournant symbolique. Elle démontre que le talent culinaire n’a jamais été une question de genre, mais d’exigence, de travail et de créativité. Le fait que trois femmes se retrouvent en dernière ligne, après une saison compétitive, prouve que les critères du jury — goût, technique, exécution — parlent d’eux-mêmes. Adi Marom, malgré son commentaire initial, le reconnaît elle-même : « Au final, ce sont les filles qui sont arrivées en finale, et il y a des super candidates. » Cette prise de conscience progressive, exprimée en direct, met en lumière un changement culturel en cours, où les réflexes traditionnels sont peu à peu bousculés par les performances réelles.
L’intérêt de cet échange, au-delà du battage médiatique, réside dans son honnêteté. La société israélienne — comme beaucoup de sociétés occidentales — continue de débattre des inégalités professionnelles et des stéréotypes persistants. Le monde de la cuisine, longtemps dominé par des chefs masculins, n’échappe pas à cette dynamique. En admettant spontanément ses propres biais, Adi Marom n’a pas seulement déclenché une polémique : elle a ouvert un espace de réflexion sur ce qui reste à accomplir pour parvenir à une égalité réelle dans un domaine exigeant.
La montée fulgurante des créatrices culinaires sur Instagram et TikTok, y compris Adi et Sivan elles-mêmes, contribue déjà à redéfinir les repères. Leur succès, leur influence et leur présence dans les médias démontrent qu’une nouvelle génération de femmes est en train de remodeler les attentes, les styles et les tendances gastronomiques. La télévision, à son tour, joue un rôle majeur dans cette évolution. Voir trois femmes en finale de l’émission culinaire la plus regardée du pays est un signal fort envoyé au public : le talent féminin n’est plus l’exception, mais une réalité dominante.
Ainsi, derrière cette confession surprenante et les réactions qu’elle a suscitées, se cache une transformation profonde du paysage culinaire israélien. Une évolution portée par des femmes passionnées, innovantes et ambitieuses, qui prouvent chaque jour que la cuisine — comme tous les domaines d’excellence — appartient à celles et ceux qui osent y mettre leur âme.






