C’est une revendication spectaculaire qui secoue l’industrie militaire israélienne : le puissant comité des employés de l’Industrie Aéronautique Israélienne (IAI) exige le versement d’un bonus individuel de 150 000 shekels pour chacun des 4 500 employés d’Elta, sa filiale spécialisée dans les radars stratégiques. Cette demande intervient dans le cadre du projet colossal de transfert du site d’Elta vers un nouveau complexe plus vaste au sud d’Ashdod, financé par l’Autorité des Terres d’Israël (RMI).
(Source originale : Calcalist)

Le coût total pour l’État dépasserait les 670 millions de shekels, soit près de 15 % du budget alloué au déménagement — une somme que le comité considère légitime au vu des contraintes à venir pour les salariés. Mais au sein d’Elta et de la RMI, certains redoutent déjà que cette exigence ne retarde un chantier considéré comme stratégique pour la défense israélienne.


Un déménagement à 3,7 milliards de shekels — financé par les terrains d’Ashdod

Elta, qui produit les radars des systèmes Arrow, Barak MX, Dôme de fer et Fronde de David, occupe actuellement un terrain de 194 dunams dans la zone est d’Ashdod. La RMI souhaite réaffecter cet emplacement pour y construire un vaste quartier résidentiel d’environ 11 000 dunams, reliant Ashdod à Gan Yavne.

En contrepartie, la RMI finance entièrement l’édification d’un nouveau site de 250 dunams, avec 350 000 m² de bâtiments modernes, pour un montant estimé à 3,7 milliards de shekels. La transition devrait s’échelonner jusqu’en 2034, avec un premier permis de construire prévu pour 2028.

Un projet lourd, complexe, qui entraîne une décennie d’adaptations, d’embouteillages, de contraintes logistiques — et de frustration chez les salariés.


Le comité invoque la “dégradation immédiate des conditions de travail”

Pour Yair Katz, président du comité de l’IAI (et fils de l’ancien ministre et dirigeant historique Haim Katz), la demande du bonus spécial n’a rien d’excessif. Il souligne :

  • l’aggravation de la circulation vers le futur site ;
  • l’absence d’investissements dans l’usine actuelle, en raison du déménagement à long terme ;
  • les conditions de travail qui vont empirer pendant les années de transition ;
  • l’arrivée annoncée de nouveaux employés, augmentant la pression sur les infrastructures ;
  • le risque pour les salariés d’être temporairement répartis dans des espaces de travail partagés, faute d’espace.

Selon Katz, cette phase sera « une décennie de souffrance pour les travailleurs », ce qui justifie une compensation exceptionnelle.


Une crainte interne : le projet pourrait être paralysé

Des responsables impliqués dans le transfert craignent que cette revendication à plus d’un demi-milliard de shekels ne mette en péril le calendrier du projet. Le déménagement d’Elta est déjà considéré comme l’un des plus complexes jamais réalisés dans l’industrie militaire israélienne.

Un dirigeant d’Elta confie :
« La demande du comité risque de bloquer le début du processus. Nous n’avons pas de marge pour absorber une telle somme. »

Le ministère des Finances, lui, suit l’affaire de près : tout retard dans la relocalisation affecterait les prévisions de recettes liées à la mise en vente des terrains d’Ashdod.


Vers une bataille politique autour d’Elta et de l’IAI

En parallèle, l’Autorité des Sociétés Publiques cherche à dissoudre la structure juridique d’Elta pour l’intégrer directement dans l’IAI, une mesure destinée à réduire les coûts administratifs et à simplifier la gouvernance. Là encore, le comité des employés s’oppose fermement à ce projet, dénonçant un affaiblissement de leur influence.

L’IAI elle-même demeure un bastion politique incontournable :

  • plus de 8 000 de ses 16 000 employés sont membres du Likoud,
  • le comité est historiquement l’un des plus puissants du pays,
  • les dirigeants de l’entreprise bénéficient régulièrement d’une paix sociale négociée contre des bonus et avantages salariaux.

Dans ce contexte, la demande d’un bonus gigantesque n’est pas seulement sociale — elle est aussi politique.


Une décennie d’incertitude pour un fleuron stratégique

Elta représente l’un des piliers de la supériorité militaire israélienne. Au troisième trimestre de cette année seulement, ses ventes ont bondi de 23 %, atteignant 607 millions de dollars. Elle a généré 2,7 milliards de dollars de revenus sur les neuf premiers mois de l’année.

Mais son avenir immédiat est suspendu aux négociations entre :

  • la RMI,
  • l’IAI,
  • la direction d’Elta,
  • et le comité des employés.

L’exigence des 150 000 shekels par salarié devient ainsi le premier champ de bataille d’un déménagement titanesque — un test pour mesurer la capacité du secteur public israélien à moderniser ses infrastructures sans sombrer dans des blocages institutionnels.