Il s’appelle Yair Kandil, 29 ans, étudiant en ingénierie électrique et électronique à Jérusalem. Le 7 octobre, il a survécu de justesse au massacre du festival Nova à Réïm. Son témoignage bouleversant illustre la résilience d’une génération traumatisée — et la force de la musique dans la reconstruction psychologique des survivants.

Ce jour-là, tout a basculé en quelques secondes. Kandil, qui participait à la fête en tant que simple spectateur, s’est retrouvé plongé dans le chaos.

« Mon ami avait perdu les clés de la voiture. Je suis revenu l’aider à les chercher. Ce geste m’a sauvé la vie, et la sienne », raconte-t-il.
« Quelques secondes plus tard, les tirs ont commencé. Nous avons couru dans les champs. J’ai vu des gens tomber, du sang, des cris. C’était un enfer. Un miracle m’a permis d’en sortir vivant. »

Le lendemain même, sans avoir eu le temps de comprendre ce qu’il venait de vivre, il a été rappelé pour le service de réserve. Pendant plusieurs semaines, il a combattu au sud, tentant de ne pas penser aux images du carnage. Mais une fois libéré, le besoin de soin psychologique s’est imposé.

 

C’est alors qu’il a rejoint le Centre de résilience de l’Institut Azrieli d’ingénierie de Jérusalem, un espace créé pour accompagner les étudiants et les membres du corps enseignant marqués par les événements du 7 octobre. Ce centre, financé par la Fondation Edmond de Rothschild, la Fondation Azrieli, l’Union nationale des étudiants, les fédérations juives d’Amérique du Nord et la Fondation Gross, a pour mission d’offrir un soutien émotionnel, académique et collectif.

Dans ce cadre, un ensemble musical thérapeutique a vu le jour : des étudiants, rescapés, réservistes, conjoints de soldats, réunis autour de la musique.

« J’ai décidé de passer les auditions sans dire que j’étais un survivant du Nova », confie Yair.
« J’ai chanté ‘Anatzel’ de Mosh Ben Ari. C’était ma manière de dire : je suis encore là. »

Sur scène, il découvre un nouveau souffle. Les cérémonies du Yom HaShoah, du Yom HaZikaron, ou les remises de prix aux étudiants méritants deviennent pour lui des espaces de guérison.

« C’était la première fois que je montais sur scène devant un grand public. J’ai ressenti quelque chose d’immense — comme une thérapie pour l’âme. J’ai aussi chanté ‘Tirkedi’ d’Oshir Cohen, un morceau qui m’a accompagné pendant mes semaines de réserve. Chanter m’a aidé à affronter mes peurs, à ne plus les fuir, à raconter notre histoire. »

Aujourd’hui, Yair poursuit sa quatrième année d’études et regarde vers l’avenir. Lors d’un événement de l’association Nova, il a rencontré Osher, elle aussi survivante du festival, qui est devenue sa compagne.

« De toute cette obscurité est née une lumière. Je veux travailler dans une grande entreprise de semi-conducteurs, ou dans la sécurité nationale. Mais je veux aussi continuer à chanter, à créer, à réparer. »

Le doyen des étudiants, Eyal Koren, explique la philosophie du projet :

« Le but était de recréer du lien à travers l’émotion. Ramener du sens et de la communauté sur le campus. La musique est devenue un outil thérapeutique — pas seulement pour chanter, mais pour respirer. »

Dans un pays où le mot « résilience » est souvent associé à la guerre, l’histoire de Yair Kandil rappelle que l’art et la foi peuvent être plus puissants que la peur. Par la musique, ces jeunes Israéliens refusent de rester prisonniers du trauma : ils en font une force, un cri d’espérance.