Alors que les regards restent tournés vers la ligne de front, une autre guerre déchire l’âme d’Israël : celle qui ne fait pas de bruit, ne laisse pas de sang au sol, mais tue, elle aussi. La guerre post-7 octobre a engendré un séisme psychique, un effondrement silencieux et invisible dans lequel sombrent, un à un, soldats, réservistes, survivants et civils brisés de l’intérieur. La société israélienne doit faire face à une réalité glaçante : le traumatisme de guerre est devenu l’épidémie de l’ombre.
Selon les dernières données, 21 soldats et réservistes se sont donné la mort en 2024, un chiffre qui, en vérité, ne reflète que la surface du drame. Près de 12 % des combattants de réserve exposés au front présentent déjà des signes de stress post-traumatique, et des milliers d’autres errent dans une normalité apparente, incapables de parler, enfermés dans un mutisme douloureux.
Dans un texte poignant, Oren Hellman – militant engagé pour l’inclusion des personnes handicapées et président de l’association Kesher – dresse un état des lieux sans appel : Israël vit un état d’urgence psychologique. Mais le pays refuse de le reconnaître. Pire : certains segments du pouvoir et de la société militent pour faire taire ce cri intérieur. « Ne publiez pas les chiffres des suicides, cela affaiblit Tsahal, cela sert l’ennemi », martèlent certains cercles politiques. Et ainsi, on bâillonne les soldats, les familles endeuillées, les hommes et femmes détruits par ce qu’ils ont vu, vécu ou perdu.
Mais le silence ne soigne pas. Il tue. Il isole. Il culpabilise. Il rend honteuse la douleur. Il transforme une plaie mentale en un stigmate social.
Les chiffres sont effrayants :
- Avant le 7 octobre 2023, Israël comptait environ 7 000 blessés psychologiques liés à des actes de terrorisme.
- Aujourd’hui, on estime à plus de 67 000 le nombre de victimes psychologiques nouvelles.
- À cela s’ajoutent 13 000 blessés physiques de Tsahal, un chiffre en passe de dépasser les 20 000.
- Au total, plus de 100 000 Israéliens vivent désormais avec une forme de handicap, souvent invisible : la blessure de l’âme.
Ils sont nombreux à avoir survécu au 7 octobre. Des rescapés des massacres, des parents qui ont perdu un enfant – ou deux –, des soldats qui ont ramassé les corps, des familles entières qui ne savent plus comment reprendre une vie normale. Ils sourient dans les cafés, semblent “aller bien”. Mais leurs nuits sont pleines de cris étouffés, leurs journées remplies de vide, leurs relations rongées par l’irritabilité ou l’angoisse.
Et face à cela, une société qui ne comprend pas, ou refuse de comprendre. Ceux qui osent parler sont vus comme « fragiles », « instables », « hystériques ». Le mot “folie” revient trop vite. Les blessés de guerre mentale sont exclus, dénigrés, voire moqués.
Mais faut-il vraiment attendre que chacun s’effondre en silence pour agir ? Le système actuel de réhabilitation ne suffit plus. Il est conçu pour remettre sur pied – pas pour redonner une vie. Le post-trauma ne se soigne pas avec un rendez-vous tous les deux mois et une ligne téléphonique anonyme. Il exige un accompagnement quotidien, une inclusion réelle, une société prête à accueillir les blessures invisibles.
Ceux qui sont touchés sont souvent jeunes, en pleine force de l’âge. Sans prise en charge adéquate, ils ne travailleront pas, n’étudieront pas, ne fonderont pas de famille. Ils resteront sur le banc de la société israélienne – alors même qu’ils ont tout donné pour la défendre.
Et que fait l’État ? Rien, ou si peu. Au lieu de réformer, il nie. Au lieu d’assumer, il banalise. Le discours dominant fait passer le post-trauma pour une faiblesse morale, un tabou qui doit rester confiné. Les dirigeants politiques, certains chroniqueurs cyniques et les porte-voix du pouvoir réduisent la question à une « campagne de victimisation ». Une honte nationale.
Mais c’est à nous, société civile, médias responsables, citoyens engagés, de refuser cette anesthésie morale. D’exiger que l’État crée des structures de soins intensifs psychiques. D’écouter les blessés même quand ils ne parlent pas. De mettre fin à la spirale du silence. Car il n’y a pas de résilience nationale sans solidarité intérieure.
📢 Si vous êtes en détresse ou connaissez quelqu’un qui l’est :
- Appelez Eran au 1201 ou envoyez un message WhatsApp au 052-8451201
- Consultez le site headspace.org.il
- Militaires en service ou réservistes : ligne directe de soutien de Tsahal au *6690, option 4
- Anciens soldats : contactez la cellule de réaction post-combat au 03-6401400
- Informations complémentaires via les centres de résilience, vos caisses de santé ou les associations locales
🔗 Pour approfondir le sujet :
- Catégorie « Solidarité avec nos soldats » – Infos-Israel.News
- Actualités post-7 octobre – Alerte Info 24/24
- L’après-guerre : Israël face à son miroir psychologique
- Témoignages et soutien aux familles brisées
📚 Références utiles :
















