Mardi soir, peu après 22h30, un spectacle inhabituel a illuminé le ciel du centre d’Israël : un long trait de feu blanc s’est étiré vers l’ouest avant de disparaître au-dessus de la Méditerranée. C’était le lancement réussi d’Ofek 19, dernier né de la série de satellites espions israéliens. Mais contrairement au reste du monde, Israël choisit un chemin plus ardu et singulier : envoyer ses satellites vers l’ouest, à rebours de la rotation terrestre.

Le choix du contre-courant

Presque tous les pays lancent leurs satellites vers l’est. La raison est simple : la Terre tourne d’ouest en est à près de 1 600 km/h à l’équateur, offrant aux fusées un « bonus » de vitesse de quelque 460 m/s. Ce coup de pouce naturel permet d’économiser du carburant et d’emporter une charge utile plus importante.

Mais Israël n’a pas ce luxe. Coincé entre la Méditerranée et des pays hostiles, il lui est impossible de lancer vers l’est sans risquer que des débris de fusée ne retombent sur la Jordanie, la Syrie ou l’Irak. La seule direction sûre reste donc l’ouest, vers la mer.

Un handicap technique majeur

Ce choix impose une contrainte colossale : les satellites israéliens adoptent des orbites rétrogrades, c’est-à-dire à l’envers du mouvement naturel de la Terre. Résultat : une perte de vitesse de 7 à 10 km/s, énorme à l’échelle spatiale, qui se traduit par plus de carburant consommé et moins de charge embarquée.

Malgré cela, depuis le premier Ofek 1 en 1988, l’industrie aérospatiale israélienne, épaulée par le ministère de la Défense et Tsahal, a su relever le défi. Aujourd’hui, seule une dizaine de pays dans le monde maîtrisent un lancement spatial autonome, et Israël en fait partie.

Une contrainte… transformée en avantage

Ce qui semblait être une faiblesse s’est mué en atout stratégique. Les satellites rétrogrades israéliens passent plus fréquemment au-dessus du Moyen-Orient, et sous des angles différents de ceux utilisés par la majorité des satellites. Cette singularité leur confère une capacité d’observation unique, précieuse pour le renseignement militaire.

Ofek 19, qui évolue à 500 km d’altitude et boucle une orbite en 90 minutes, renforce les moyens de surveillance israéliens, notamment vis-à-vis de l’Iran et du Yémen. Selon des responsables de la défense, ce satellite intègre des technologies inédites, « cruciales dans la période actuelle ».

Une réussite nationale

En près de quarante ans, la série Ofek est devenue un symbole de résilience technologique et d’ingéniosité israélienne : transformer une contrainte géographique en avantage opérationnel, et maintenir Israël dans le cercle restreint des puissances spatiales.