Alors que la guerre et les tensions politiques dominent l’actualité du Moyen-Orient, un autre front, moins visible mais tout aussi stratégique, se joue dans les chiffres. Le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) pour 2025 révèle que la croissance du PIB israélien ne dépassera pas 2,5 %, un taux modeste comparé à celui de certains voisins régionaux… parfois loin d’être des alliés.
La Turquie et l’Égypte, en particulier, affichent une vitalité économique qui contraste avec le ralentissement israélien et posent de nouveaux équilibres économiques régionaux.

Selon le classement publié, les prévisions de croissance s’établissent comme suit : Émirats arabes unis 4,8 %, Égypte 4,3 %, Arabie saoudite 4 %, Turquie 3,5 %, Qatar 2,9 %, Oman 2,9 %, Jordanie 2,7 %, Israël 2,5 %, Iran 0,6 % et Irak 0,5 %.
Ces chiffres soulignent une évidence : Israël recule, pendant que les deux puissances musulmanes historiques du bassin méditerranéen — Ankara et Le Caire — avancent à grands pas.

Selon le Wall Street Journal, la Banque centrale turque a récemment ralenti le rythme de sa politique monétaire afin d’endiguer une inflation repartie à la hausse. Une décision prudente mais révélatrice d’une nervosité économique réelle à Ankara. La Turquie de Recep Tayyip Erdogan, confrontée à une flambée des prix et à une monnaie affaiblie, tente désormais de stabiliser son économie sans freiner la croissance. Et malgré les difficultés, ses taux demeurent supérieurs à ceux d’Israël.

Autre signal fort : la vente récente de 20 avions de combat Eurofighter à la Turquie par le Royaume-Uni pour près de 10,7 milliards de dollars, un contrat massif qui renforce la défense aérienne turque et illustre la relance des liens entre Londres et Ankara au sein de l’OTAN.
Ce partenariat stratégique suit une autre commande conclue en juillet dernier pour 40 appareils Typhoon, validée par les consortiums européens Airbus, BAE Systems et Leonardo. L’ensemble de ces accords traduit le retour de la Turquie comme acteur militaire et industriel incontournable dans la région.

De son côté, l’Égypte, deuxième économie d’Afrique, confirme sa dynamique. Avec un PIB de 347 milliards de dollars et plus de 118 millions d’habitants, elle demeure la porte d’entrée stratégique vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Sa coopération énergétique avec Israël en témoigne :
en août dernier, NewMed Energy, filiale du groupe Delek d’Yitzhak Tshuva, a signé un contrat d’exportation de gaz d’un montant record de 35 milliards de dollars jusqu’en 2040.
C’est la plus grande transaction énergétique de l’histoire d’Israël, censée asseoir le pays comme puissance régionale dans le domaine du gaz — mais elle profite aussi au Caire, devenu hub incontournable du gaz israélien liquéfié.

Pour les économistes, la progression de l’Égypte repose sur deux leviers : le réinvestissement massif dans les infrastructures (canaux, ports, zones industrielles) et le rôle géopolitique renforcé du pays dans les négociations régionales. L’État du président Abdel Fattah al-Sissi, longtemps sous assistance financière du Golfe, est aujourd’hui courtisé pour sa stabilité relative et ses positions pragmatiques vis-à-vis d’Israël et des États-Unis.

En comparaison, Israël, frappée par les conséquences économiques de la guerre et par la prudence de ses investisseurs étrangers, reste en phase de stagnation. Les réformes structurelles, la hausse du coût de la vie et la dépendance sécuritaire ont freiné l’élan du high-tech et des exportations.
L’État hébreu conserve une économie solide, mais son rythme de croissance est désormais dépassé par celui de ses anciens rivaux — un symbole de l’inversion des rapports de force dans la région.

Pour Ankara et Le Caire, ces chiffres constituent une victoire d’image autant qu’un signal d’attractivité. Pour Jérusalem, ils sonnent comme un avertissement : la puissance militaire ne suffit plus à garantir la suprématie régionale, lorsque les moteurs économiques tournent ailleurs.