La rougeole vient de faire une nouvelle victime en Israël. Un bébé de un an et demi, non vacciné, a succombé ce matin à la maladie après avoir été admis à l’hôpital Poria dans un état critique. Ce décès porte à dix le nombre d’enfants israéliens morts depuis le début de l’épidémie, un phénomène sanitaire d’une gravité inédite depuis plusieurs décennies.

Le drame s’est joué en quelques heures. Selon les informations publiées par Ynet, le nourrisson est arrivé à l’hôpital avec de sévères difficultés respiratoires, complications classiques mais redoutables de la rougeole. Les médecins ont tenté de le stabiliser, l’ont intubé, réanimé… en vain.
→ Source : https://www.ynet.co.il/health

L’enfant n’était pas vacciné, comme la quasi-totalité des victimes depuis la reprise de l’épidémie en avril dernier. Les chiffres sont sans appel : la rougeole a déjà coûté la vie à dix enfants, tous infectés ces derniers mois, et principalement issus de zones où le taux de vaccination demeure dangereusement faible. Jérusalem concentre à elle seule huit des décès.

Les autorités sanitaires rappellent que le virus de la rougeole est l’un des plus contagieux au monde. Une personne infectée peut contaminer entre douze et dix-huit autres en l’absence d’immunité — un taux explosif comparé à la grippe ou même au COVID-19. La cause la plus fréquente de décès : des complications pulmonaires rapides, comme celles qui ont emporté le bébé ce matin.


L’évolution de l’épidémie en Israël suit une courbe préoccupante. Partie de foyers non vaccinés à Jérusalem, elle a depuis gagné Beit Shemesh, Bnei Brak, Modi’in Illit, Safed, Haïfa, Tiberias, Harish, Beitar Illit, Ashdod, ainsi que la Galilée.
Les chaînes de contamination touchent presque exclusivement des enfants non immunisés, issus de familles ou communautés qui refusent ou retardent la vaccination.

Les services de santé insistent pourtant sur un message simple et désormais vital : le vaccin ROR (Rougeole–Oreillons–Rubéole) protège dans 97 % des cas et empêche les formes graves responsables des décès.
Organisation mondiale de la Santé : https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/measles

Le ministère de la Santé rappelle qu’Israël avait éradiqué la circulation locale de la rougeole il y a à peine dix ans, grâce à une couverture vaccinale très élevée. Mais les refus de vaccination, l’influence de fausses informations sur les réseaux sociaux et des zones à forte densité d’enfants ont créé un terrain vulnérable, permettant au virus de ressurgir avec une force inattendue.


En retraçant les décès précédents, on comprend mieux l’ampleur de la crise :

  • le premier cas remonte au 13 août : un enfant de deux ans, non vacciné, décède à Jérusalem ;
  • trois jours plus tard, second décès d’un bébé d’1 an et demi de Beit Shemesh ;
  • fin septembre, deux autres bébés de 18 mois et 22 mois meurent coup sur coup ;
  • le 9 octobre, un enfant de 14 mois décède malgré une prise en charge rapide ;
  • le 26 octobre, une fillette de 2 ans et demi succombe après une hospitalisation prolongée ;
  • début novembre, un autre nourrisson de Jérusalem meurt ;
  • le 9 novembre, un enfant de 7 ans — vacciné seulement d’une dose — décède brutalement.

Cette série noire n’a pas été observée en Israël depuis des décennies. Selon les experts du ministère, cette flambée rappelle les flambées massives observées en Europe entre 2018 et 2020, où la baisse de la vaccination avait entraîné des milliers de cas et plusieurs dizaines de morts.


La tendance inquiète aussi les spécialistes internationaux. En épidémiologie, la rougeole sert souvent d’indicateur de la robustesse d’un système vaccinal : lorsque la couverture chute, le virus réapparaît presque instantanément, signe d’une vulnérabilité beaucoup plus large.
L’un des épidémiologistes interrogés par Ynet explique :
« La rougeole est l’un des virus les plus prévisibles : si moins de 95 % de la population infantile n’est pas vaccinée, elle revient. Toujours. »

Dans les quartiers les plus touchés — ultra-orthodoxes ou périphériques — les autorités peinent encore à atteindre les familles, malgré des campagnes de sensibilisation, des cliniques mobiles et l’implication d’institutions religieuses favorables à la vaccination.


Au-delà de l’émotion, cette épidémie relance en Israël un débat sensible : celui de la responsabilité collective. Une maladie évitable revient, tue, et le coût humain devient insoutenable. Les médecins, souvent en première ligne face à l’incompréhension de certains parents, rappellent que la rougeole ne se guérit pas : on la prévient.
Le directeur de l’unité de pédiatrie du centre Shaare Zedek l’affirme sans détour :
« Aucun de ces enfants n’aurait dû mourir. C’est une tragédie entièrement évitable. »

L’État, de son côté, tente d’équilibrer entre responsabilité publique et respect des libertés individuelles. Les autorités n’envisagent pas, pour l’instant, l’obligation vaccinale — une mesure toujours explosive dans un pays attaché aux libertés — mais elles renforcent les messages d’alerte. Les hôpitaux signalent une hausse du nombre d’enfants arrivant en urgence avec des symptômes caractéristiques : forte fièvre, éruption cutanée, toux sèche, inflammation oculaire.


Cette résurgence intervient par ailleurs dans un contexte où Israël reste plongé dans des défis sécuritaires majeurs, notamment la guerre contre le Hamas à Gaza et les tensions au Nord. Mais la menace sanitaire, souvent invisible, exige une vigilance comparable. Car une maladie hautement contagieuse, évoluant dans des zones densément peuplées, peut rapidement déborder les capacités hospitalières — surtout en période de tensions nationales.

Pour les médecins interrogés, la leçon est claire : sans une hausse rapide et massive de la vaccination, d’autres enfants mourront. Le ministère de la Santé appelle les parents à vérifier immédiatement le carnet vaccinal de leurs enfants et à compléter les doses manquantes dans les cliniques Tipat Halav ou auprès des caisses d’assurance maladie.

Cette nouvelle tragédie rappelle que la protection collective repose sur des décisions individuelles. Un seul enfant non vacciné peut exposer une classe entière, une école, un quartier. Et lorsque la couverture immunitaire baisse, les plus vulnérables — nourrissons trop jeunes pour être vaccinés, enfants immunodéprimés — deviennent des victimes indirectes des choix des autres.

L’histoire du bébé décédé aujourd’hui ne s’arrêtera pas dans les colonnes des journaux. Elle sera, tragiquement, le symbole d’une épidémie évitable qu’Israël doit impérativement juguler avant qu’elle ne s’étende davantage. Le virus, lui, ne négocie pas. Il se propage. Et il frappe toujours les plus faibles.