La Thaïlande a opéré en quelques jours une volte-face que personne n’attendait : l’interdiction de vendre de l’alcool l’après-midi, entrée en vigueur à peine une semaine plus tôt, a été suspendue aussi vite qu’elle avait été imposée. L’annonce faite par le ministre de la Santé publique, Pitiphat Prompapat, après une réunion de trois heures rapportée par Bangkok Post et Reuters, a immédiatement déclenché un soupir de soulagement dans tout le pays — en particulier chez les acteurs du tourisme, les restaurateurs, les hôteliers, mais aussi les centaines de milliers de voyageurs étrangers, dont des dizaines de milliers d’Israéliens qui voient la Thaïlande comme leur deuxième maison de vacances.
Ce revirement n’est pas anodin. Il révèle à quel point l’industrie touristique thaïlandaise, gravement touchée depuis la pandémie et affaiblie par la baisse des arrivées en 2025, est devenue un pilier économique vital. Les autorités n’ont pas pu ignorer l’effondrement immédiat des réservations après l’annonce de l’interdiction, ni l’indignation des professionnels, qui parlaient déjà d’une “erreur stratégique catastrophique”. La Thaïlande, consciente de la concurrence régionale — entre Vietnam, Cambodge, Indonésie ou Émirats — ne peut pas se permettre de se tirer une balle dans le pied au moment où elle tente de relancer son image internationale.
Selon les informations publiées par Reuters, la mesure initiale, héritée d’un décret de 1972 appliqué jusque-là surtout dans les supermarchés, devait désormais s’étendre à tous les établissements : bars, restaurants, hôtels, commerces. La plage horaire interdite — de 14h00 à 17h00 — était devenue un cauchemar logistique, notamment pour les quartiers touristiques de Bangkok, Phuket, Krabi ou Koh Samui, où l’après-midi est souvent le cœur de l’activité commerciale. Pour les restaurateurs, cela signifiait perdre trois heures de chiffre d’affaires cruciales. Pour les touristes, c’était une incompréhension totale. Et pour les autorités, un risque énorme d’être perçues comme un pays instable réglementairement.
Cette décision avait provoqué un tollé immédiat. Les associations professionnelles ont tenu conférence sur conférence pour alerter le gouvernement sur l’impact désastreux pour les emplois, les réservations et l’image du pays. Les réseaux sociaux thaïlandais se sont enflammés. Les médias internationaux ont relayé la confusion, et plusieurs agences de voyage — y compris en Israël — ont rapporté des annulations massives de circuits, en particulier de la part de voyageurs qui considèrent la Thaïlande comme une destination de détente souple, libre et économique. “C’est un suicide touristique”, dénonçait un restaurateur de Phuket dans les colonnes du Bangkok Post. Cette phrase a visiblement pesé.
Face à la tempête, les autorités ont réagi plus vite que prévu. Le ministre Prompapat a annoncé qu’un projet pilote de six mois commencera début décembre, rétablissant la permission de vendre de l’alcool entre 14h00 et 17h00. Si l’évaluation est positive, la mesure pourrait être prolongée jusqu’en 2026. Ce recul n’est pas qu’un geste vers les entreprises : c’est une reconnaissance explicite que la Thaïlande dépend profondément de son image de pays accueillant, dynamique et ouvert. Et dans une région où chaque pays se bat pour attirer les touristes internationaux, un mauvais choix peut coûter des milliards.
Ce revirement est particulièrement important pour les touristes israéliens, qui représentent historiquement un flux massif en Thaïlande — environ 200 000 visiteurs annuels selon les données publiées par le Ministry of Tourism Thailand avant la guerre de Gaza. La communauté israélienne apprécie la flexibilité locale : les soirées animées, les plages accessibles, les restaurants cosmopolites, l’atmosphère détendue. L’interdiction de l’alcool l’après-midi aurait profondément perturbé les habitudes des voyageurs, notamment pendant les fêtes, les semaines de vacances scolaires et les séjours en famille. De nombreuses agences de voyage israéliennes avaient déjà rapporté des inquiétudes, et certaines envisageaient de rediriger leurs clients vers Chypre, la Grèce ou les Émirats.
Ce qui rend cette affaire encore plus symbolique, c’est qu’elle intervient à un moment où la Thaïlande tente de diversifier et de moderniser son tourisme. Le pays a lancé plusieurs campagnes ciblées — “Amazing Thailand 2025” — afin de recruter davantage de voyageurs haut de gamme, d’ouvrir de nouvelles routes aériennes et de développer les infrastructures. Une interdiction rigide et inattendue aurait détruit ces efforts en quelques jours. Le gouvernement thaïlandais s’est donc aligné sur la réalité économique : sans flexibilité, le tourisme s’effondre.
Ce geste politique témoigne aussi d’un changement d’attitude des autorités thaïlandaises. Le gouvernement actuel, élu après une période d’instabilité politique, semble désormais prêt à écouter les acteurs du terrain. Le revirement sur l’alcool l’après-midi montre qu’il comprend la nécessité d’une régulation intelligente plutôt que dogmatique. Cela tranche avec les années précédentes, où la bureaucratie thaïlandaise avait tendance à imposer des règles strictes sans concertation. Les signaux envoyés aujourd’hui — selon Reuters — sont clairs : la Thaïlande veut redevenir un hub touristique incontournable, et cela passe par la satisfaction de ses visiteurs.
La décision aura également un impact économique immédiat. Le tourisme représente environ 20 % du PIB thaïlandais. Une mesure injustifiée et impopulaire pouvait provoquer une contraction brutale des revenus. En autorisant de nouveau la vente d’alcool l’après-midi, le gouvernement protège des milliers d’emplois dans la restauration, l’hôtellerie et le divertissement. Il permet aussi aux bars et aux clubs de Bangkok — en particulier dans les quartiers animés comme Sukhumvit, Silom, Khaosan Road — de respirer après des mois de difficultés.
Mais la vraie leçon de ce revirement dépasse le cadre thaïlandais : il montre comment un pays peut écouter, ajuster, corriger. Il montre aussi que le tourisme mondial est devenu une industrie hyper-sensible, où la moindre décision politique peut provoquer des secousses internationales. Tout comme Israël tire des leçons de la relation stratégique entre tourisme, sécurité et économie — notamment dans le développement de nouvelles routes aériennes ou le renforcement de la sécurité à l’aéroport Ben Gourion — la Thaïlande vient de rappeler qu’un pays moderne doit être agile.
Pour les voyageurs israéliens, cette décision arrive au meilleur moment : à l’approche des fêtes et de la haute saison, le pays reste ouvert, accueillant et flexible, conservant ce qui fait sa force depuis des décennies. Et pour le gouvernement thaïlandais, l’épisode sert de mise en garde : le tourisme n’est pas un secteur qu’on réorganise par surprise. Il exige cohérence, stabilité et respect des millions de visiteurs qui font vivre l’économie.
Dans un monde où les destinations se disputent les touristes, la Thaïlande vient d’éviter de peu une erreur stratégique majeure. Son revirement n’est pas simplement une bonne nouvelle pour les voyageurs : c’est un rappel que, parfois, les gouvernements doivent écouter avant de décider. Et que le tourisme, comme la diplomatie, ne pardonne jamais les décisions irrationnelles.






