À Knokke-Heist, dans l’hôpital AZ Zeno, un geste glaçant vient de révéler la persistance d’un antisémitisme profondément enraciné. Lorsqu’une fillette de neuf ans s’est présentée aux urgences pour une douleur bénigne à la main, le radiologue en charge, le Dr Qassem Arqawizi, a inscrit dans son dossier médical, à la rubrique « allergies et problèmes médicaux », une mention effarante : « Juif (israélien) ».
Un mot, deux parenthèses, et tout un monde d’exclusion resurgit. La religion et la nationalité de l’enfant, sans aucun lien avec son état de santé, se sont retrouvées étiquetées comme une « pathologie ». Un acte qui dépasse le simple dérapage individuel : il symbolise une dérive idéologique où l’appartenance juive devient un stigmate, et où le médecin se fait censeur politique.
Une “allergie juive” : la déshumanisation en acte
La formulation exacte – « Juif (israélien) » – souligne le caractère délibéré de l’inscription. En associant confession et nationalité, le praticien ne s’est pas contenté d’une provocation personnelle : il a gravé dans un document médical officiel une hiérarchie identitaire, plaçant la judéité au rang de “problème médical”. Céline Pina, observatrice engagée, l’a exprimé avec force : « L’antisémitisme n’est plus seulement une insulte dans la rue. Il franchit la porte des hôpitaux et s’imprime dans des dossiers médicaux. »
Des antécédents idéologiques
Rapidement, une enquête journalistique a révélé que le Dr Arqawizi n’en était pas à son premier débordement. Sur les réseaux sociaux, il avait déjà diffusé des caricatures violemment antisémites, où des Juifs ultra-orthodoxes étaient représentés comme des vampires. Un discours ouvertement pro-chiite et anti-israélien venait compléter cette rhétorique haineuse. Autant de dérives qui auraient dû alerter bien avant l’institution hospitalière.
Réactions et condamnations
Face à la révélation du scandale, l’organisation JID (Jewish Identity Defense) a immédiatement exigé la radiation du médecin, dénonçant « une violation flagrante des règles de déontologie médicale, dépassant toutes les limites possibles ». Elle réclame que sa licence d’exercice soit révoquée, rappelant que « le serment médical est incompatible avec une telle haine idéologique ».
Du côté des responsables politiques et des associations de défense des droits humains, la stupeur domine. Comment, en 2025, un document hospitalier officiel peut-il reprendre les procédés d’une Europe des années 1930, où l’on fichait les Juifs dans les administrations avant de les exclure ?
Une mémoire douloureuse réactivée
En Belgique, cette affaire prend une résonance particulière. Le pays porte encore la trace des persécutions : en 1941, l’occupant nazi y avait créé l’Association des Juifs en Belgique (AJB) pour recenser la population juive, prélude aux déportations. Plus de 25 000 Juifs belges furent ainsi envoyés vers les camps de la mort. L’inscription de l’identité juive dans un dossier médical, même sous forme de provocation, rappelle tragiquement ces pratiques de fichage.
Aujourd’hui, la communauté juive belge, réduite à environ 30 000 membres concentrés à Bruxelles et Anvers, vit déjà sous la menace croissante d’actes antisémites. Voir une telle mention apparaître dans un service hospitalier, lieu supposé neutre et protecteur, renforce un sentiment d’insécurité existentiel.
Un cas isolé ou le symptôme d’une dérive ?
Ce scandale dépasse le cadre individuel. Il soulève la question de la pénétration de discours antisémites dans des institutions publiques censées rester imperméables aux idéologies. L’hôpital, espace de soin universel, devient ici le théâtre d’un marquage discriminatoire. « Un enfant de 9 ans pour lequel on inscrit noir sur blanc que son identité juive serait un problème/maladie », s’indigne Céline Pina.
Cet acte rappelle que l’antisémitisme n’est pas seulement une affaire de violences de rue ou de slogans haineux : il peut s’infiltrer dans les rouages administratifs, les écoles, les hôpitaux, et miner les fondements mêmes de l’État de droit.
Israël et la diaspora en première ligne
Pour Jérusalem comme pour la diaspora, cette affaire est un signal d’alarme. Car si un médecin peut inscrire « Juif (israélien) » dans un dossier hospitalier européen en 2025, cela signifie que la haine a franchi un seuil critique. Ce n’est plus seulement l’opinion publique ou les réseaux sociaux : ce sont les institutions qui, par leur passivité, risquent de cautionner.
Conclusion
Au-delà du scandale immédiat, cette affaire rappelle que l’antisémitisme, qu’on croyait relégué à la marge, ressurgit avec force jusque dans les lieux les plus insoupçonnés. Le dossier médical d’une fillette de neuf ans est devenu l’espace d’un marquage identitaire, comme un écho sinistre à une Europe d’avant-guerre. L’urgence est désormais de répondre avec fermeté : radier les praticiens qui franchissent ce seuil, protéger la neutralité des institutions, et rappeler qu’en démocratie, aucune identité ne peut être assimilée à une “maladie”.






