La communauté médicale internationale tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : les cancers du côlon et du rectum progressent rapidement chez les jeunes adultes, une tendance observée dans de nombreux pays, dont Israël. Un nouveau rapport publié dans la revue scientifique JAMA Oncology et basé sur l’une des études les plus solides jamais menées — le Nurses’ Health Study II américain — renforce le lien entre consommation massive d’aliments ultra-transformés et apparition de polypes précancéreux à un âge de plus en plus jeune.

Alors que les aliments ultra-transformés représentent déjà 70 % de l’apport alimentaire aux États-Unis et près de 60 % des calories consommées par les adultes, les chercheurs indiquent que ce modèle alimentaire pourrait devenir l’un des principaux accélérateurs des cancers colorectaux précoces.


Un risque 45 % plus élevé chez les plus grands consommateurs

L’étude, qui a suivi 29 105 infirmières américaines pendant une période médiane de 13 ans, révèle que les participantes consommant environ 10 portions d’aliments ultra-transformés par jour présentaient un risque 45 % plus élevé de développer des adénomes (polypes non cancéreux pouvant devenir malins) avant l’âge de 50 ans, comparées à celles qui en consommaient le moins — un peu plus de trois portions quotidiennes.

Les produits les plus fréquemment consommés étaient :

  • pains et produits céréaliers industriels ;
  • sauces, condiments et tartinades industrialisés ;
  • boissons sucrées et versions “light” ;
  • snacks transformés et aliments prêts à consommer.

Les adénomes ont été détectés principalement lors de coloscopies réalisées avant 2015, période où le dépistage était encore recommandé à partir de 50 ans.

Source :
JAMA Oncology — https://jamanetwork.com/journals/jamaoncology
Nurses’ Health Study II — https://www.nurseshealthstudy.org


“Les chiffres sont inquiétants” : l’avertissement du Pr Revital Kriv

En Israël, le Pr Revital Kriv, gastro-entérologue en chef de Maccabi, confirme l’importance du signal envoyé par cette étude. « Les données sont alarmantes. On parle d’un travail scientifique extrêmement solide, mené sur une longue période, avec une cohorte jeune, ce qui manque souvent aux études classiques sur le cancer du côlon. Cela prouve que le problème commence bien plus tôt que ce que nous pensions. »

Elle rappelle que le dépistage en Israël débute à 50 ans, alors qu’aux États-Unis l’âge a été abaissé à 45 ans. « Cette étude montre que le processus débute parfois bien avant, et que les habitudes alimentaires de l’enfance jouent un rôle majeur. »

Selon elle, la génétique n’explique pas tout :
« Les maladies qui se déclarent tard dans la vie ont souvent une racine environnementale — ce que nous mangeons, notre niveau de stress, notre activité physique. Nous voyons aujourd’hui le résultat d’années d’exposition à des aliments industriels hyper-transformés. »


Un régime saturé de sucres, additifs et graisses industrielles

Les nutritionnistes définissent les aliments ultra-transformés comme des produits contenant :

  • édulcorants artificiels,
  • colorants,
  • conservateurs chimiques,
  • exhausteurs de goût,
  • émulsifiants,
  • matières premières modifiées et très éloignées de leur forme naturelle.

Selon Luda Nevo, diététicienne clinique chez Maccabi, « la plupart de ces aliments sont conçus pour être hyper-savoureux, consommés facilement et rapidement, mais leur valeur nutritionnelle est extrêmement faible. Ils contiennent beaucoup de sucre, de graisses saturées et de sel, et presque aucun nutriment. »

Ces aliments sont également associés à :

  • obésité,
  • diabète de type 2,
  • maladies cardiovasculaires,
  • hypertension,
  • inflammation chronique.

Source :
Organisation Mondiale de la Santé (OMS) — recommandations sur l’alimentation industrielle
https://www.who.int


Les médecins préviennent : “Le problème commence dans l’enfance”

Les spécialistes insistent sur l’urgence d’un changement sociétal.
« On doit arrêter de donner à nos enfants des aliments transformés dès le plus jeune âge », affirme le Pr Kriv. « C’est un investissement à long terme. Chaque euro mis dans l’éducation alimentaire évite des milliers d’euros en traitements futurs — et parfois des vies. »

Les symptômes tardifs pouvant révéler un polype ou un début de cancer incluent :

  • sang dans les selles,
  • douleurs abdominales,
  • anémie par carence en fer,
  • perte de poids involontaire,
  • constipation persistante.

Le dépistage précoce reste l’outil le plus efficace : les chances de guérison dépassent 90 % lorsque le cancer est pris à temps.


Vers une crise sanitaire mondiale ?

L’augmentation des cancers colorectaux chez les moins de 50 ans est désormais considérée comme un phénomène mondial. Plusieurs analyses alertent déjà sur une “épidémie silencieuse”, alimentée par des modes de consommation industrialisés et un manque de dépistage précoce.

En Israël, les experts recommandent :

  • de réduire drastiquement les aliments ultra-transformés,
  • d’augmenter les fibres (fruits, légumes, céréales complètes),
  • de privilégier les aliments naturels ou cuisinés à la maison,
  • d’effectuer une coloscopie dès 45 ans chez les personnes à risque.