De la mythique unité 101 d’Ariel Sharon aux opérations secrètes du Mossad en Afrique, David Ben-Oziel — surnommé “Tarzan” — incarne le visage héroïque et discret du sionisme combattant.
À 90 ans, ce pionnier des opérations spéciales reste le témoin vivant d’un Israël qui s’est construit par le courage, la ruse et la foi en la survie du peuple juif.

Le fils d’une génération qui refusait de plier

Né à Haïfa en 1935, David Ben-Oziel grandit dans un Israël encore sous mandat britannique. Élève du lycée Tahkemoni, il reçoit une éducation profondément attachée à la terre et à la liberté.
Enfant pendant la guerre d’Indépendance, il participe déjà, à douze ans, à la défense des quartiers de Jérusalem, remplissant des sacs de sable sous les obus.
Le surnom “Tarzan” lui vient d’un acte héroïque : avoir sauvé un enfant de la noyade dans le fleuve Na’aman.

Mais ce n’était qu’un prélude. À vingt ans, il rejoint la mythique unité 101, fondée par Ariel Sharon — ce commando d’élite qui révolutionnera l’armée israélienne.
“Tarzan” incarne alors l’esprit de cette génération : intrépide, indiscipliné mais d’une loyauté absolue à la patrie.

טרזן על שער "במחנה" אחרי פעולת א־רהווה, 1956

L’esprit de la 101 : agir, coûte que coûte

L’unité 101, créée en 1953, comptait à peine 50 hommes.
Ses opérations spectaculaires contre les infiltrations arabes — souvent nocturnes, derrière les lignes ennemies — deviendront légendaires.
Leur mot d’ordre : frapper vite, dire la vérité, et ne jamais reculer.

Ben-Oziel participe à plusieurs raids emblématiques : “Opération Shoshana”, “Opération Kinneret” et d’autres moins connues, menées jusqu’au cœur de la Judée et du Sinaï.
Les combats sont durs, la peur constante. Mais la jeune armée israélienne se forge là une doctrine : celle du courage individuel, de la préparation totale et de la responsabilité personnelle.

“Tarzan” y apprend tout : marcher 40 kilomètres dans la neige, se fondre dans le terrain, survivre sans eau, et surtout ne jamais abandonner un camarade.
À son contact, un nouvel esprit naît dans Tsahal — celui que le général Sharon décrira plus tard comme “l’âme du combattant israélien”.

בן־עוזיאל מדריך סיור בעקבות פעולות יחידה 101 | בנימין טרופר

Du champ de bataille aux ombres du Mossad

Après la fusion de la 101 dans le bataillon des parachutistes 890, Ben-Oziel poursuit une carrière d’officier.
Il sert en Égypte, dans le Sinaï, et participe à la campagne de Suez en 1956.
Mais c’est dans les années 1970 qu’il entre dans la légende — non plus en uniforme rouge, mais sous couverture noire.

Recruté par le Mossad, il est envoyé en Afrique, où il supervise secrètement les premiers contacts d’Israël avec les rebelles du Sud-Soudan.
Objectif : affaiblir le régime islamiste de Khartoum allié de l’Égypte de Nasser, et créer une alliance avec les peuples non arabes du continent.

Sous son commandement, les agents israéliens entraînent les combattants du Sud-Soudan, livrent des armes, vaccinent des enfants, et construisent même des écoles.
“Nous n’étions pas des colonisateurs, confiera-t-il plus tard, nous aidions des hommes libres à se libérer.”
Une phrase qui résume toute sa vision : le sionisme comme fraternité des peuples opprimés.

“Opération Frères” : sauver les Juifs d’Éthiopie

Dans les années 1980, Ben-Oziel joue un rôle clé dans l’Opération Frères, mission ultra-secrète du Mossad pour faire monter clandestinement les Juifs d’Éthiopie vers Israël.
Sous identité d’homme d’affaires européen, il supervise la création d’un faux centre de plongée sur la mer Rouge, servant de couverture aux exfiltrations nocturnes.

Des centaines de Juifs de la communauté Beta Israël sont sauvés grâce à ces missions périlleuses.
“Je ne suis pas religieux”, aimait-il dire, “mais je sentais la main de Dieu sur chaque convoi qui atteignait la côte sans être intercepté.”

À plusieurs reprises, il échappe de justesse à la mort, intercepté par des soldats soudanais ou bloqué dans le désert sans eau.
Mais il continue, par fidélité à ce qu’il appelle “l’alliance entre la promesse biblique et l’action humaine”.

Le héros discret du sionisme

Aujourd’hui âgé de 90 ans, “Tarzan” marche encore d’un pas vif.
Lors des randonnées commémoratives organisées par le Centre de formation de Kfar Etzion, il guide lui-même les jeunes parachutistes sur les traces de la 101.
Sa voix, rauque mais ferme, résonne encore : “Rien n’est impossible pour un Juif qui croit en sa terre.”

Ce vétéran, resté modeste et profondément humain, symbolise ce que fut la génération de 1948 : celle qui a bâti Israël non pas avec des discours, mais avec des actes.
Pour ses camarades, il est plus qu’un héros — un mensch, un homme droit.

“Le vrai courage, dit-il, ce n’est pas de vaincre un ennemi. C’est de rester fidèle à soi-même quand tout vacille.”

Une vie, une leçon

David Ben-Oziel n’est pas seulement une page d’histoire : il est la mémoire vivante d’un Israël qui ne renonce jamais.
De la 101 au Mossad, des montagnes du Sinaï aux jungles du Soudan, il a incarné la ténacité d’un peuple revenu à la vie pour ne plus jamais la perdre.
Dans un monde qui doute, sa simple existence rappelle que le sionisme n’est pas une idéologie — c’est une promesse tenue.