À première vue, c’était une intervention de routine. Nasreen, 26 ans, jeune mère de deux enfants vivant à Ashdod, s’était rendue dans une clinique ophtalmologique privée pour corriger une myopie modérée qui la gênait depuis l’adolescence. Pourtant, ce qui devait être une simple procédure au laser s’est transformé en cauchemar médical, révélant une réalité alarmante : même les opérations les plus courantes peuvent cacher des risques majeurs lorsqu’elles sont mal encadrées.
Aujourd’hui, après des semaines de lutte et une récupération partielle, Nasreen témoigne. Son histoire soulève une question cruciale en Israël : à quel point les patients sont-ils vraiment informés des dangers ?
Une intervention « sans risque »… en apparence
L’opération, proposée dans une clinique en périphérie de Tel Aviv, était une chirurgie de type LASIK, l’une des plus populaires au monde pour la correction de la vue. Publicités rassurantes, témoignages de stars, promesses de résultats spectaculaires — tout laissait penser qu’il s’agissait d’une formalité sans danger.
« On m’a dit que je pourrais conduire le lendemain, voir sans lunettes, et retourner travailler en 48 heures », raconte Nasreen.
Séduite par un tarif promotionnel (30 % moins cher qu’à l’hôpital), elle signe. Sans vraiment savoir que sa cornée ne répondait pas aux critères idéaux pour ce type de laser.
Une complication rare, mais dévastatrice
Dès le lendemain, la jeune femme ressent une douleur intense. Son œil gauche gonfle, sa vision devient floue, puis inexistante. De retour à la clinique, on lui annonce un diagnostic brutal : décollement de la membrane de Bowman, une complication rarissime mais possible du LASIK, surtout chez les cornées fines.
L’erreur ? Une évaluation pré-opératoire bâclée, selon un expert qui a revu son dossier. Le chirurgien aurait dû recommander une autre technique, ou même refuser l’intervention.
Un système mal encadré ?
En Israël, la chirurgie ophtalmologique au laser est largement pratiquée dans le secteur privé, souvent sans obligation stricte de rapport aux hôpitaux. Résultat : des cliniques aux standards variables, parfois plus soucieuses de rentabilité que de sécurité.
Le professeur Amir Shalem, chef de service à l’hôpital Ichilov, prévient :
« Les lasers sont des outils puissants, mais ils ne remplacent pas une bonne indication médicale. Ce n’est pas une opération esthétique, c’est une chirurgie réfractive avec des risques réels. »
Une enquête du ministère de la Santé
À la suite de plusieurs cas similaires, dont celui de Nasreen, le ministère israélien de la Santé a lancé une enquête interne sur la régulation des cliniques ophtalmologiques privées. Selon les premières conclusions, plus de 40 % des établissements contrôlés n’informaient pas suffisamment leurs patients sur les risques.
« Il est inacceptable que des jeunes femmes comme Nasreen découvrent les complications possibles uniquement après coup », a déclaré le porte-parole du ministère.
Le traumatisme psychologique
Nasreen n’a pas seulement failli perdre la vue. Elle a perdu son emploi, évité de sortir de chez elle pendant des semaines, et traverse encore aujourd’hui une période de dépression sévère.
« Je n’ai pas osé dire à mes enfants que je ne voyais plus de l’œil gauche. Je pleurais dans ma chambre, j’avais honte. »
Son cas est suivi par un psychologue spécialisé en réhabilitation post-opératoire.
Une récupération partielle, mais coûteuse
Grâce à un traitement intensif dans une unité spécialisée de l’hôpital Hadassah, Nasreen a récupéré environ 50 % de sa vision dans l’œil gauche. Mais la réhabilitation a nécessité :
- Plusieurs greffes de cellules souches ;
- Une lentille spéciale semi-permanente ;
- Et un coût estimé à plus de 35 000 shekels, non couvert intégralement par la kupat holim.
Une bataille juridique en cours
La jeune femme a engagé une procédure contre la clinique, avec l’aide d’un avocat spécialisé en fautes médicales. L’audience préliminaire est prévue en juillet. Ses avocats affirment que :
« Le consentement signé par Nasreen était incomplet, aucune mention de son épaisseur cornéenne n’y figure, et le protocole standard n’a pas été respecté. »
Ils réclament un dédommagement complet pour le préjudice physique, psychologique et financier.
Des recommandations pour les patients
Les spécialistes interrogés rappellent quelques règles essentielles avant toute opération des yeux :
- Toujours consulter deux spécialistes indépendants, dont un hospitalier.
- Exiger un examen topographique complet de la cornée.
- Vérifier la certification du centre opératoire et la formation du praticien.
- S’assurer que la clinique dispose d’une assurance responsabilité professionnelle.
- Ne jamais se précipiter à cause d’une promotion tarifaire.
Un problème féminin et socio-économique ?
Selon une étude menée par l’Université hébraïque de Jérusalem, les complications post-LASIK touchent davantage les femmes âgées de 25 à 40 ans, souvent influencées par la pression esthétique ou le désir de praticité au quotidien.
Et les cliniques les moins chères se situent dans les zones à pouvoir d’achat plus faible — une réalité qui expose des patients vulnérables à des décisions médicales motivées par l’économie plus que par la prudence.
Israël reste à l’avant-garde… mais avec vigilance
Il faut toutefois rappeler que la majorité des interventions au laser en Israël se déroulent sans incident, et que le pays reste l’un des plus avancés au monde en ophtalmologie.
Les hôpitaux comme Rambam, Soroka ou Hadassah proposent des traitements de pointe, dans des conditions de sécurité optimales. Le problème, comme souvent, réside dans la régulation du secteur privé, où la médecine devient parfois une marchandise.
Conclusion : un appel à la prudence
Nasreen a eu de la chance. Elle aurait pu perdre la vue définitivement, comme d’autres patients mal informés ou mal encadrés. Son témoignage est un cri d’alerte pour tous ceux qui envisagent une chirurgie réfractive, et un appel aux autorités pour mieux encadrer les pratiques du secteur.
Aujourd’hui, elle voit un peu mieux. Mais surtout, elle veut être vue et entendue. Pour que d’autres ne vivent pas ce qu’elle a traversé.
« Si j’avais su ce que je sais maintenant, j’aurais attendu. Je ne referai plus jamais confiance sans poser toutes les questions. »
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